Underwood on Belgium. « J’adore la Belgique, merveilleux Etat détraqué. »

Note de l’Editeur. Ceci constitue le premier épisode des entretiens sur la Belgique avec Frank Underwood, publiés au printemps 2019. Ces textes vont maintenant être regroupés. Il est amusant de noter que ceci a été jugé trop satirique par plusieurs journaux. L’utilisation des images a aimablement été autorisée, de façon plus supportive, par Netflix.

Bonjour, Monsieur le président.

Appelez-moi Frank, je suis en voyage touristique.

Merci, Frank. Peut-on vous demander d’abord la raison de votre présence en Europe ?

Comme vous savez, la télévision réalité a pris le pouvoir aux États-Unis. Donald Trump est comme moi une vedette télévisée, mais en beaucoup moins sophistiqué. Depuis qu’il est à la Maison Blanche, on ne peut plus faire une bonne série télévisée politique. Il dépasse toujours en aberration ce que les meilleurs scénaristes peuvent imaginer. Donc, j’ai entamé un voyage d’étude en Europe pour élargir la palette des mauvais coups de « House of Cards ». Comme Donald gère clairement un monde imaginaire, j’ai décidé de m’occuper de la réalité.

Pourquoi commencer par la Belgique ?

Parce que c’est une magnifique illustration des principes de « House of cards ». Ma grande règle est toujours, vous le savez, « dites-le toujours, ne le faites jamais » (Always talk the talk, never walk the walk). Dès lors, j’adore ce merveilleux Etat détraqué au cœur de l’Europe.

Détraqué ! N’est-ce pas excessif ?

OK, on peut dire déglingué, malade, ou dysfonctionnel. Les ressources du vocabulaire sont infinies, la réalité ne l’est pas. Soyons clairs, ce n’est pas le Libéria (en tout cas, pas encore), mais la mauvaise gestion sévit partout. La mobilité, spécialement dans les villes, est une catastrophe qui mélange embouteillages très coûteux et pollution de l’air fort nuisible (même si on accomplit de très grands efforts pour ne pas la mesurer souvent). Les télécommunications sont coûteuses (et les connexions internet faibles sur une partie du territoire). Votre stratégie énergétique est inexistante, ce qui menace l’économie. Votre système fiscal est incompréhensible. Vos infrastructures se déglinguent (routes, tunnels, canalisations). Votre enseignement a des performances déclinantes, au Nord et encore plus au Sud. La Belgique est d’ailleurs le pays européen où l’intégration des catégories d’enfants pauvres ou immigrés dans l’école et l’emploi est la plus faible. Et la dette publique est énorme depuis un demi-siècle. Souvent, je me demande comment les citoyens supportent tout cela.

A quoi attribuez-vous cette dérive ?

Le pays est très hétérogène, bien sûr. Mais surtout votre système constitutionnel est à la fois le comble de la complexité et de l’improductivité. Récemment, à un débat électoral flamand sur la santé publique, une série de représentants des partis ont tous été incapables de nommer les neuf (!) ministres compétents. Comment voulez-vous alors que les citoyens, ou vos partenaires étrangers, s’y retrouvent ?

Mais ce délire, évidemment, est merveilleux dans la philosophie « House of Cards ». La Belgique est devenu le paradis des politiciens. Leur concentration au kilomètre carré est la plus grande de la planète. Vous avez réussi un exploit rare, qui consiste à faire de la politique un vrai art de masse.

D’ailleurs, vos exportations de ministres fascinent. Délégation officielle des Etats-Unis 10 personnes, de la Belgique 50. Là au moins, vous êtes champions du monde. On décrit souvent la démocratie comme un régime gouverné par le peuple et pour le peuple. Les cyniques diront que la Belgique, elle, est plutôt un régime gouverné par les politiciens pour les politiciens. J’aime ça.

On a des élections tout de même…

Parlons-en des élections ! Là, vous voyez clairement l’influence de « House of Cards ». On nous a reproché d’être trop cyniques, mais vos gouvernants nous font dans ce domaine une concurrence totalement déloyale.

Chacun sait, par exemple, que votre gouvernement a refusé d’assainir quand toutes les instances européennes le recommandaient. Maintenant, il y a un trou de 8,5 milliards d’euros à combler alors que votre prévision de croissance est parmi les plus faibles en Europe (même en-dessous du Royaume-Uni englué dans le Brexit, il faut vraiment se fatiguer pour arriver à un résultat aussi mauvais…).

Ce n’est pas la même chose aux Etats-Unis ?

Bien sûr que c’est la même chose aux Etats-Unis. Grâce à mon ami Trump, nous avons lâché le contrôle des dépenses, lâché des réductions fiscales au bénéfice des milliardaires, et chaque fois que la banque centrale menace de freiner ce délire, Donald la bombarde de tweets pour l’intimider. Cadeaux pour tous ! Cela se terminera très mal d’ailleurs, mais vous connaissez nos habitudes. Quand cela s’effondrera, on exportera massivement nos problèmes vers nos partenaires. Vous n’aurez pas cette chance. Or, la seule chose dont on ne parle pas, précisément, est comment on va combler ce trou budgétaire. Le premier ministre vous explique qu’il va réduire massivement les impôts, d’autres qu’ils vont augmenter les pensions ou les soins de santé, mais personne n’explique comment on va financer tout ça, et encore moins combler le trou, sinon avec des sortes d’incantations vaudou sur la fraude fiscale.

D’ailleurs, dans cette histoire, ce qui me frappe, c’est que vous n’arrêtez pas de critiquer Trump, et vous n’arrêtez pas de l’imiter ici.

Mrs Von Der Leyen is a very democratic europen president, and the spitzenkandidaten simply do not conform to the present EU treaties

Ursula Von der Leyen, Candidate for President of the EC, at the Plenary session of the EP

It’s always fun (and eye-catching) to shout “democracy, democracy” in front of the TV cameras – especially about Europe. In the last months, Ursula von der Leyen has been presented by many as an illegitimate undemocratic president of the European Commission. The symbol of backdoor deals, manipulation of voters, and deeply undemocratic Europe. Alas, in this age of soundbites, this one is false. The spitzenkandidaten concept (invented when the Lisbon Treaty entered into force) is not so democratic. Moreover, it does not conform to the EU Treaties.

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The chaos of no exit for Brexit is the price of political gluttony on all sides

(c) Waterloo, Bondartchuk.

To simple minds four things were quite clear after the 2016 Brexit referendum. Legally, dismantling such a huge amount of legal connections could only be done progressively. This was anyway required by Article 50 TFEU, which distinguished clearly the withdrawal agreement to settle the problems of the past and the posterior agreement about the future relationship. Politically, Brexit had to be implemented in one way or another, otherwise cries of conspiracy, deep state, and perversion of democracy would multiply. However, the sharp referendum result (52/48) could only legitimize the mildest sort of Brexit. This is what had to be prepared. Naturally, all governments immediately began to …. deny those things.

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